A l’attention de l’ONU Femmes
Nous, Kongra Star, confédération des femmes du Rojava et du Nord-Est de la Syrie, saluons les membres de l’ONU Femmes. Le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les femmes du monde entier s’organiseront pour attirer l’attention et dénoncer toutes les formes de violence que les femmes subissent dans leur vie. En tant que femmes du NE Syrie, nous sommes préoccupées par la situation des femmes dans une région en état de guerre continue (qu’elle soit militaire, économique, écologique ou psychologique). C’est pourquoi, à l’occasion de la journée internationale contre la violence envers les femmes, nous vous écrivons cette lettre.
La région est menacée par une nouvelle invasion de l’État turc et subit une agression continue. La région et ses habitants résistent depuis des années à l’État turc et ses milices djihadistes. Cette instabilité et les attaques permanentes ont un impact grave sur la vie des femmes, la vie des enfants et les droits de l’homme dans la région, comme nous l’avons vu récemment avec les occupations d’Afrin, Girê Spî et Serêkaniyê et plus récemment l’attaque par drones à Kobané, Qamishlo et dans la région d’Heseke.
La Turquie et ses milices djihadistes violent continuellement les lois internationales et humanitaires. Pillages, saccages, vandalismes, démolitions de maisons, enlèvements, tortures, traitements inhumains, arrestations arbitraires mais aussi utilisation d’armes chimiques, crimes violents, changements démographiques forcés, féminicides et autres violences basées sur le genre sont devenus le quotidien des populations des territoires occupés. Les femmes sont arrêtées ou kidnappées et envoyées dans les prisons des mercenaires turcs y subissant toutes les formes de violence : coups, torture, tests de « virginité », viols ou publication de photos ou de vidéos les montrant en train d’être abusées sont monnaie courante dans ces prisons. Mais dans les zones occupées en général, les femmes sont aussi victimes d’assassinats directs ou poussées à la mort, ne voyant d’autre alternative que le suicide.
Dans le Nord-Est de la Syrie, les femmes sont également la cible de l’État turc. En octobre 2019, Çiçek Kobanê, une citoyenne syrienne et membre des Unités de défense des femmes (YPJ), capturée par les milices djihadistes et déportée en Turquie, a été condamnée à la prison à vie par la Cour pénale turque. Le 12 octobre 2019, Hevrin Khalaf, secrétaire général du Parti Avenir de la Syrie, a été tuée par le gang Ahrar al-Sharqiya, soutenu par la Turquie, près de l’autoroute M4 lors de l’offensive turque dans le nord-est syrien. Le 13 octobre 2019, Aqide Osman, membre de Kongra Star, et 14 autres civils ont été bombardés par des avions de guerre turcs dans un convoi civil qui se rendait à Serêkaniyê pour protester contre l’invasion. Le 23 juin 2020, trois membres de Kongra Star Hebûn Mele Xelil, Emîna Waysî et Zerha Berkel ont été assassinées par une frappe de drone dans le village de Halince à Kobané. Le 19 août 2021, Sosin Mihemed, membre des conseils militaires des Forces démocratiques syriennes (FDS), a été assassinée par une frappe de drone turque. Ce ne sont là que quelques exemples.
Les menaces et les attaques constantes ont un impact considérable sur la vie de la population et mettent les femmes en grand danger. En plus des groupes mercenaires djihadistes, des cellules de Daesh sont toujours actives. Le monde a été choqué par les graves violations commises à l’encontre des femmes détenues par les gangs de Daech mais reste silencieux alors que les femmes des régions occupées sont confrontées à des agressions sexuelles, des violences, des tortures, des enlèvements et des meurtres. Le monde ne peut pas plaider l’ignorance. Il existe de nombreux rapports, articles et des interpellations décrivant la situation qui rappellent les périodes les plus sombres que les femmes ont dû affronter sous l’occupation des gangs de Daech.
Comme toutes les organisations de femmes qui travaillent pour la libération des femmes, les femmes et la société travaillent chaque jour de l’année, donnant toute leur énergie pour protéger les femmes de la violence et pour créer une société où chacun et chacune (indépendamment de l’âge, du sexe, de l’ethnie, de la religion, du handicap…) peut vivre en paix et en sécurité. Notre engagement, notre lutte ne s’arrêteront jamais, mais pour faire notre travail, la guerre et l’occupation doivent cesser.
Nous nous tournons vers vous car le rôle principal des Nations Unies est de » maintenir la paix et la sécurité internationales en prenant des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix, et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix… « . Dans ce contexte, le soutien de l’ONU Femmes est essentiel et c’est pourquoi nous vous appelons à faire pression sur la communauté internationale :
- Pour empêcher de nouvelles attaques barbares et hostilités de la part de la Turquie et protéger le cessez-le-feu convenu.
- Pour former une commission d’enquête et enquêter dans le nord-est syrien sur les crimes commis par l’État turc et les groupes qui lui sont associés.
- Pour exiger que l’État turc mette immédiatement fin à son occupation et à son intervention dans le nord-est syrien.
- Garantir le retour en toute sécurité des réfugiés dans leurs foyers, conformément au droit international.
Kongra Star
24 novembre 2021